Par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets.
Quand l’Université de Moncton a signé en janvier dernier une nouvelle entente de (sous) financement stable sur quatre ans avec le gouvernement provincial, l’ancien recteur Raymond Théberge a décrit le protocole comme « un pas dans la bonne direction », et déclaré qu’il « permettra de stabiliser le financement de l’Université de Moncton pour les quatre prochaines années tout en assurant des frais de scolarité prévisibles et stables pour nos étudiantes et étudiants» (Acadie Nouvelle). La FÉÉCUM ne voyait pas la chose du même oeil et, à en croire les échos venant de Taillon, elle ne serait pas seule (FÉÉCUM).
Bien que le financement des universités ait augmenté pour la première fois en trois ans - ce qui explique sans doute la réplique de Théberge -, un premier pas suppose qu’on en prenne un second si on souhaite poursuivre sur sa lancée. L’entente, qui plafonne la hausse des droits de scolarité à 2% sur quatre ans pour les étudiant.e.s inscrit.e.s avant 2019-2020, permettra aux universités d’ajuster les droits de scolarité à compter de ce moment. Si à Moncton on demeure incertain de ce que ça voudra dire, UNB semble décidée de profiter de cette opportunité au maximum.
Ça s’est vu encore récemment en Nouvelle-Écosse, quand le gouvernement a levé le plafond de 3% sur les hausses des droits de scolarité pour l’année 2015-2016. (Global) Personne ne s’est fait tordre le bras pour en profiter.
Vers la mi-mars, un document du groupe de travail sur la révision des droits de scolarité (Tuition Review Task Force) de UNB a été porté à l’attention du public. On y propose d’adopter un modèle de frais différenciés, et d’augmenter les droits de scolarité de 7% à 50% par programme dès 2019. (Brunswickan)
Prise dans son ensemble, la hausse serait de 20%. D’une shot.
On peut y voir le résultat net du sous-financement planifié du gouvernement provincial, qui offre 1%-1%-1%-2% sur quatre ans aux universités publiques (ben, sauf STU), et aussi, il faut le dire, l’opportunisme de UNB. On n’a rien entendu sur les intentions de Moncton ni de Mount Allison (où les droits de scolarité étaient de 7995$ en 2017-2018), mais il y a lieu de croire qu’on ne se contentera pas de regarder passer la parade.
Fait pas beau être en 11e année tout de suite, mettons.
Mais ceux-là vont s’inscrire à l’Université après les élections provinciale. Les cohortes qui ont débuté en 2018 ou avant - celles qui auront le droit de vote cet automne - seront à l’abri de cet ajustement. La hausse de 20% ne s’appliquera qu’aux programmes débutés en 2019 et après. Le hasard fait quand même bien les choses, non?
Bon bref, la situation de UNB n’est pas celle de Moncton, et la solution proposée ici pourrait être différente. Il demeure que les mêmes questions devront être posées chez nous.
Le 2% d’augmentation permis par l’entente a été adopté par le Conseil des gouverneurs le 14 avril (UMoncton). Sans surprise. Cependant, le budget décisif ne sera pas celui-ci mais le prochain. Il est encore temps de changer de cap - si on a même détaché le navire du quai. Quoi qu’il en soit, notre seule option présentement est d’attendre les détails.
Mais demeurons conscients que 5 jours avant le budget, quand les informations seront entre les mains des gouverneurs (Article 17, UMoncton), il sera déjà trop tard pour changer de direction. Encore une fois, le hasard, hein?
J’ai évoqué STU tantôt: dans leur cas l’entente n’est toujours pas signée. En fait, ça commence à être long et pour cette raison, une provision dans les ententes conclues entre la province et les 3 autres universités peuvent changer une fois que STU signera. Le langage est juste assez vague pour laisser croire que le gouvernement ne s’engage pas à beaucoup plus qu’à entendre les plaintes, soit dit en passant. Qui vivra verra.
Aux dernières nouvelles, STU a adopté des hausses de 2% pour les étudiant.e.s canadiens, et de 5% pour les étudiant.e.s internationaux; et la rectrice Dawn Russell refuse catégoriquement de signer toute entente qui ne règlera pas le problème de sous-financement de son institution. (Aquinian) Et la population étudiante, là-dedans? Hé bien, elle se prépare à tenir un référendum pour l’ajout d’un frais visant à donner 300 000$ à l’Université pour financer les soins de santé mentale aux étudiants... (Aquinian)
Ce qui ressort des consultations budgétaires à UNB et STU, c’est que les universités ont surtout gagné avec le protocole d’entente la certitude qu’elles seront sous-financées pour les 4 prochaines années. Et la conviction qu’elles pourront à loisir aller chercher ce qui leur manque, et davantage, dans les poches des étudiant.e.s.
Et si moi je l’ai remarqué, c’est certain qu’on en fait de même à Taillon.
Même s’il est impensable qu’on ignore ces détails à Moncton, les discussions n’en sont pas au même stade. On imagine facilement, en revanche, dans quel sens elles évoluent.
J’ai déjà abondamment fait état de l’amour de notre Université pour tout ce qui est susceptible de lui apporter du prestige et, malheureusement, le coût plus élevé de l’éducation postsecondaire est souvent interprété comme un signe du prestige de l’institution. (FÉÉCUM)
Et pourtant, qu’est-ce que le prestige ajoute à l’éducation? Le prestige, c’est la différence entre un pot de Hellmann’s et un pot de No Name: y’a la même maudite affaire dedans, mais on croit - parce que, marque - que la Hellmann's est forcément la meilleure. Ça adonne qu’elle est plus chère aussi, alors, forcément, il faut que ce soit vrai qu’elle est meilleure. Hey, sinon, pourquoi tu payes?
Mais sacrez-en une beurrée dans n’importe quel sandwich pis essayez de me dire c’est quoi la différence. C’est quand même un sandwich; ça a l’air d’un sandwich, ça goûte le sandwich, et la personne qui cherche un sandwich et qui mange ça devrait être contente de son choix.
Ça vous dit tout ce que vous avez besoin de savoir sur l’apport du prestige.
La personne affamée, qui attend son sandwich, s’en fout éperdument du nom sur le pot de mayonnaise: elle cherche le sandwich. N’importe quel sandwich qui réponde à ses goûts personnels. La mayonnaise est un joueur de soutien; elle aide à tenir le sandwich ensemble, mais elle ne vaut rien séparée du sandwich, peu importe son nom.
Astheure, remplacez la mayo par un diplôme. Même maudite histoire.
Y’a certainement moyen de mieux faire ce pourquoi l’Université de Moncton a été créée plutôt que de chercher à se comparer à des institutions qui n’ont pas la même histoire, pas la même mission, qui n’ont pas évolué dans le même contexte. Sans vouloir rien enlever aux programmes, aux profs, aux installations ou à la valeur du diplôme, l’UdeM a pour fonction première - historiquement - d’assurer l’accès en français aux études postsecondaires dans notre province. C’est d’abord et avant tout un levier de mobilité sociale pour la minorité francophone. Prestige ou pas, elle reste au service d’une population francophone qui, malgré des avancées énormes - et il faut souligner le rôle crucial de l’UdeM là-dedans - demeure encore désavantagée (surtout dans le Nord) au point de vue économique.
Difficile d’ignorer le fait que ce désavantage existe aussi de l’autre côté de la barrière linguistique ; c’est sur cette égalité dans la misère que Louis J. Robichaud a bâti Chances égales pour tous.
La pauvreté reste un problème de société dans notre province, où le taux de chômage compte parmi les plus élevés au pays (Statcan) et le revenu médian parmi les plus faibles (Statcan). Ajoutons encore le problème du vieillissement rapide de notre population qui va placer un poids encore plus lourd sur la relève qui devra en assumer les coûts, et on ne se demande pas longtemps pourquoi on peine à amener des gens de l’extérieur au N-B. Ou à les garder ici, d’ailleurs.
Et pourtant, j’ai la triste impression que plus d’un administrateur est présentement en train de se frotter les mains en disant: «Aweille, mets-en du prestige!»
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.